Des espaces dans le sol pour permettre aux plantes de respirer et de croître
Nous savons tous qu’il est important de réduire le compactage au minimum, mais quand la qualité de la culture est en jeu, il y a des choix difficiles à faire pour atteindre un juste équilibre entre la qualité du grain et le revenu potentiel à obtenir de la récolte. On doit aussi tenir compte des futurs rendements et du coût de production associés aux pertes dues au compactage ou au nombre plus élevé de passages de machinerie.
Plusieurs conseils utiles pour minimiser le compactage au moment de la récolte ont été publiés récemment, alors nous ne les répéterons pas ici. Les services d’éducation permanente de l’Université du Wisconsin et de l’Université du Minnesota ont tous deux publié des articles dans la lignée des nôtres. N’hésitez pas à les consulter pour évaluer les choix qui s’offrent à vous.
Le travail du sol peut être nécessaire pour le remplissage de certaines ornières, et dans le cas de compactage majeur des couches inférieures du sol, il peut être justifié d’avoir recours à une sous-soleuse. (Assurez-vous de consulter le document intitulé Comprendre et réussir le sous-solage avant de procéder). Mais que faire si vous en avez assez de brûler du diesel avec des herses qui pénètrent profondément dans le sol ou si vous privilégiez, ou êtes en voie de le faire, le semis direct ou le travail minimal du sol?
La solution en matière de compactage (APRÈS les mesures pour l’éviter!) est de restaurer et de maintenir les fonctions cruciales du sol. Le compactage coûte cher parce qu’il réduit l’aération, le taux d’infiltration, l’eau disponible pour les végétaux et l’accès aux ressources du sol par les racines, en plus des répercussions indirectes sur le rendement de la culture. Qu’est-ce que ces fonctions ont en commun? Elles sont toutes directement associées aux macropores dans le sol, et ce type de pores est celui qui est le plus réduit par le compactage. Les macropores sont les « pores de drainage » de grande taille du sol, mais ils jouent beaucoup d’autres rôles. Bon nombre d’entre eux pourraient être appelés « biopores », étant donné leur origine biologique; en effet, ils sont formés surtout par les racines et les vers. Le présent article se penche sur les pratiques qui peuvent permettre d’atténuer le compactage du sous-sol à l’aide des cultures de couverture et de la rotation culturale.
Vous avez peut-être déjà deviné que c’est d’abord en permettant de restaurer les macropores et les avantages qu’ils procurent que diverses pratiques « pré-culturales » peuvent limiter le compactage du sous-sol dans les cultures commerciales. Habituellement, les cultures ayant de profondes et épaisses racines pivotantes sont celles qui sont le plus en mesure de pénétrer dans un sol dense, et de laisser les plus gros (> 2 mm) biopores derrière elles. La plupart des brassicacées correspondent à cette description, dont le radis oléagineux et le radis fourrager, de même que le colza, qui sont toutes des cultures de couverture couramment utilisées. Dans les sols plus compactés ou compactés en profondeur toutefois, il peut falloir plusieurs années avant de constater une bonne pénétration racinaire.
La luzerne est la meilleure culture et la plus connue à cet égard. Cependant, certaines espèces de cultures fourragères à racine pivotante peuvent aussi être utilisées, comme le mélilot par exemple. Une pénétration en profondeur des racines peut aussi causer de légères fissures dans le sol, lesquelles agissent comme des macropores en raison de leur effet d’assèchement. Pour prolonger au-delà de quelques années la durée des biopores racinaires et leurs avantages, il faut cependant qu’ils soient stabilisés par l’action en profondeur des vers qui en recouvrent les parois avec des substances gluantes et de la matière organique1.
Figure 1. Les flèches indiquent la présence de racines qui suivent la trace de biopores.
Les macropores améliorent la croissance racinaire et leur cheminement dans le sol, surtout dans les sols plus denses. On a observé que les racines de maïs, de soya et de blé se développent activement en direction des pores de grande taille, formés par d’anciennes racines ou des vers; on croit que les racines se dirigent ainsi en raison des teneurs plus élevées en oxygène qui s’y trouvent. Selon une étude sur une rotation de maïs après luzerne, 41 % des racines du maïs se développaient dans les tunnels formés précédemment par la luzerne, dans un loam argileux2, alors qu’une autre étude a montré que plus de 90 % des racines de blé situées à plus de 40 cm de profondeur se développaient dans des biopores ou des fissures, dans un sol argileux à texture dense3. Des résultats similaires ont été obtenus dans le cadre de nombreuses autres études, mais l’une d’entre elles mentionnait pour le soya que si une racine pivotante ne rencontre pas un tunnel à 30 ou 45 cm, elle meurt4. Dans les sols qui présentent une couche souterraine dense surmontant une couche moins dense, on constate que les racines suivent la trace des macropores à travers cette couche et se réintroduisent dans le sous-sol non différencié pour accéder aux ressources5.
L’eau est l’un des facteurs les plus déterminants pour la croissance des plantes. Dans ce cas, les macropores remplissent de multiples fonctions, en améliorant l’infiltration, le drainage et l’accès des racines au sous-sol humide. Alors que les macropores qui sont intacts à la surface améliorent le drainage, même ceux qui sont altérés par le travail du sol et n’apparaissent que dans le sous-sol peuvent réduire les engorgements d’eau au-dessus du sous-sol et accroître le drainage à travers les couches compactées.
En ce qui a trait à l’accessibilité à l’eau par les plantes, on a constaté que les racines pivotantes du radis fourrager et du colza augmentaient la plage des quantités d’eau la moins limitative à la croissance des plantes [least limiting water range (LLWR)], laquelle est une mesure de l’eau disponible pour les plantes qui tient compte des limites en matière d’aération à l’extrémité humide, et de la résistance à la pénétration racinaire à l’extrémité la plus sèche. Ces espèces, lorsqu’elles sont utilisées comme cultures de couverture, augmentaient cette plage dans les sols compactés, et augmentaient aussi la densité critique du sol à laquelle les quantités d’eau les moins limitatives pour les plantes atteignaient zéro. Dans le cadre d’une étude australienne, le blé cultivé après de la luzerne retirait de plus grandes quantités d’eau des couches situées à plus de 70 cm de profondeur que le blé cultivé après du trèfle. D’autres études ont permis de constater des améliorations semblables dans l’assimilation d’eau en présence d’un nombre croissant de biopores6. Pour les cultures, l’accessibilité à l’humidité contenue dans les couches profondes du sol peut être déterminante au cours d’une saison sèche. On pourrait présumer que les racines situées en profondeur contribuent moins à la croissance des plantes si la majorité des éléments nutritifs se trouvent dans le sol de surface. Toutefois, la recherche a montré que du moment que le système racinaire a accès à de l’eau, d’autres parties de ce système peuvent continuer à se répandre dans le sol sec7 (en présumant que la résistance mécanique à la pénétration n’est pas limitative) et être donc en mesure d’assimiler les éléments nutritifs contenus dans la couche arable du sol lorsque les conditions vont s’améliorer.
Alors qu’il est important de noter que les améliorations dans la performance de la culture attribuables à la présence de biopores sont variables, notamment en fonction du type de sol, du climat et des cultures comme telles, les avantages procurés par les biopores deviennent souvent apparents au cours des années difficiles comme ce fut le cas en 2018. Bien qu’une culture de luzerne pendant deux ou trois ans constitue probablement la meilleure manière de rétablir la porosité verticale dans le sol, bon nombre d’agriculteurs estiment que l’inclusion de cultures fourragères dans leur exploitation n’est pas appropriée ou ne peuvent pas trouver personne pour alterner temporairement la culture dans d’autres champs.
Si c’est votre cas, essayez de trouver quelqu’un près de chez vous qui a bien réussi avec le radis fourrager ou d’autres cultures de couverture semblables, et prévoyez incorporer à l’avenir ces espèces dans votre rotation ou vos mélanges de cultures de couverture.
Références
1. Pagenkemper, S.K., Puschmann, D.U., Peth, S., Horn, R., Investigation of time dependent development of soil structure and formation of macropore networks as affected by various precrop species. International Soil and Water Conservation Research 2(2), 51-66, 2014.
2. Rasse, D.P., Smucker, A.J.M., Root recolonization of previous root channels in corn and alfalfa rotations. Plant and Soil 204, 203–212, 1998.
3. White R.G., Kirkegaard J.A., The distribution and abundance of wheat roots in a dense, structured subsoil—implications for water uptake, Plant, Cell and Environment 33, 133-148, 2010.
4. Wang, J., Hesketh, J.D., Woolley, J.T., Pre-existing channels and soybean rooting patterns. Soil Science 141(6), 432-437,1986.
5. Bengough, A.G., (Root growth and function in relation to soil structure, composition and strength, dans H. Kroon, E.J.W. Visser (Eds.), Root Ecology, Springer, Berlin. 2003.
6. Gaiser, T., Perkons, U., Kupper, P.M., Puschmann, D.U., Peth, S., Kautz, T., Pfeifer, J., Ewert, F., Horn, R., Kopke, Evidence of improved water uptake from subsoil by spring wheat following lucerne in a temperate humid climate. Field Crops Res 126, 56-62, 2012.
7. Boyer, J.S., Silk W.K., Watt M., Path of water for root growth. Functional Plant Biology 37, 1105–1116, 2010.
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We are all aware of the imperative to minimize compaction, but with crop quality on the line, tough choices have to be made on the trade-off between the grain quality and potential income from this year’s crop, and future yield and cost of production due to compaction losses or increased tillage passes.
There have been plenty of good tips published recently on minimizing compaction at harvest, so they won’t be re-hashed here. The University of Wisconsin and University of Minnesota extension services both have recent articles from climates similar to ours. Give them a look as you weigh your options.
Tillage might be necessary to fill in some ruts, and in cases of severe subsoil compaction the use of a subsoiler may be warranted. (Make sure to check the Guide to Successful Subsoiling before you start.) But what if you’re tired of burning diesel with deep shanks, or if you’re on a path or committed to no-till or minimal tillage?
The key to addressing compaction (AFTER avoidance!) is to restore and maintain critical soil functions. Compaction costs us because it reduces aeration, infiltration rate, plant-available water, and root access to soil resources, to mention only the direct impacts on crop performance. What do these have in common? They are the results of macropores in the soil, which are the most reduced by compaction. Macropores are the large “drainage” pores in soil, but they are so much more. Many could actually be called “biopores”, since they are created by biology – roots and worms, mostly. This article will examine how we can address compaction in the subsoil using cover crops and crop rotation.
You might have guessed by now that the primary way various “pre-crops” can limit the effect of subsoil compaction on cash crops is by restoring macropores and the functions they provide. Generally, crops with deep, thick taproots are the most capable of penetrating dense soil, and they leave the biggest (>2mm) biopores behind. Most brassicas fit this description, including oilseed and forage radishes, as well as rapeseed – all common cover crops. For more strongly or more deeply compacted soils, however, it may take several years for a significant amount of root penetration to occur. Alfalfa is the best and most well-known crop for this, though some other tap-rooted forage species can also be used, such as sweet clover. Deep root penetration can also induce small cracks in the soil that function as macropores through their drying action. For root biopores and their benefits to persist longer than a few years, however, they must be stabilized by deep-burrowing earthworms, who will coat the walls with glues and organic matter1.
Figure 1. Roots following existing biopores marked by arrows.
Macropores improve root growth and exploration, particularly in denser soil. Roots of corn, soybeans, and wheat have been shown to actively grow towards large pores formed by previous roots or worms, likely attracted by higher oxygen levels. One study on corn following alfalfa found 41% of corn roots growing in previous alfalfa root channels in a clay loam2, while another observed that over 90% of wheat roots below 40cm were growing in biopores or cracks in a dense clay soil3. Many other studies have found similar results, but one put it this way for soybeans: “if a taproot failed to encounter a burrow at [30-45cm], that root tip died”4. In soils where there is a dense subsoil layer over less-dense soil, there is evidence that roots will follow macropores through this layer and then re-enter the bulk subsoil to access resources5.
One of the most crucial resources to plant growth is water. Here, macropores serve multiple functions, increasing infiltration, drainage, and root access to moist subsoil. While macropores that are intact to the surface improve drainage, even those that are disturbed by tillage and only start in the subsoil can reduce ponding over the subsoil and increase drainage through compacted layers.
With respect to plant access to water, the taproots of forage radish and rapeseed increased the least limiting water range (LLWR) – a measure of plant-available water that incorporates the limitations of adequate aeration on the wet end, and penetration resistance on the dry end. Used as cover crops, these species increased the LLWR of compacted soils, and also increased the critical bulk density at which least LLWR reached zero. In an Australian study, wheat grown after alfalfa extracted more water from below 70cm than wheat after clover, and other studies have shown similar improvements in wheat water uptake with increasing numbers of biopores6. Having access to deep soil moisture can be critical in a dry growing season. One might assume that deep roots would contribute less to crop growth if most of the nutrients are in the topsoil, but research has shown that as long as part
Figure 2. Roots of forage radish. Credit: Natalie Lounsbury, notillveggies.org
of the root system receives water, other parts can continue to extend into dry soil7 (assuming non-limiting penetration resistance) and so could be ready to absorb those topsoil nutrients when better conditions return.
While it’s important to note that increases in crop performance due to biopores are variable – depending on soil type, climate, and the specific crops grown – their benefits often become apparent in difficult years like the one we’ve had in 2018. While two to three years of alfalfa is probably the best way to re-establish vertical porosity in soils, many growers don’t see forages making sense in their operations, or can’t find someone who can and is willing to temporarily swap fields. If that is your case, try to find someone near you who has had success with forage radish or similar cover crops, and make a plan to incorporate them in your rotation or cover crop mixes in the future.
REFERENCES
Pagenkemper, S.K., Puschmann, D.U., Peth, S., Horn, R. (2014) Investigation of time dependent development of soil structure and formation of macropore networks as affected by various precrop species. International Soil and Water Conservation Research2(2), 51-66.
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White R.G., Kirkegaard J.A. (2010) The distribution and abundance of wheat roots in a dense, structured subsoil—implications for water uptake, Plant, Cell and Environment33, 133-148.
Bengough, A.G., (2003) Root growth and function in relation to soil structure, composition and strength. In: Kroon, E.J.W. Visser (Eds.), Root Ecology, Springer, Berlin.
Gaiser, T., Perkons, U., Kupper, P.M., Puschmann, D.U., Peth, S., Kautz, T., Pfeifer, J., Ewert, F., Horn, R., Kopke, U. (2012) Evidence of improved water uptake from subsoil by spring wheat following lucerne in a temperate humid climate. Field Crops Res 126, 56-62.
Boyer, J.S., Silk W.K., Watt M. (2010) Path of water for root growth. Functional Plant Biology37, 1105–1116.