Comme le présent article est rédigé en août, il faudra attendre la récolte pour connaître les répercussions possibles des dommages causés par le ver de l’épi sur le maïs-grain. On a observé cet insecte dans plusieurs champs de l’Ontario et de l’est du pays, à la fin de l’été 2018 et en 2019. Le ver de l’épi du maïs est apparu en juin en Ontario, ce qui est beaucoup plus tôt qu’à l’habitude et pourrait laisser présager de ce qui va se produire. Le ver de l’épi survit normalement à l’hiver dans le sud des États-Unis et migre sous forme de noctuelle en Ontario par les fronts orageux. On n’observe habituellement pas sa présence par ici avant la fin juillet ou le début d’août. Le ver de l’épi du maïs peut à l’occasion hiverner aussi au nord que le 40e parallèle, selon la douceur des hivers. Il n’y a pas eu récemment de recherches effectuées sur le terrain pour confirmer jusqu’à quelle latitude le ver de l’épi du maïs hiverne et émerge. Des modèles montrent que puisque les changements climatiques sont associés à des hivers plus doux dans les régions plus nordiques, la zone d’hivernage de cet insecte pourrait s’étaler jusqu’à la région des Grands Lacs (figure 1). Le fait que le ver de l’épi du maïs migre aussi à l’automne vers sa zone d’hivernation dans le sud pourrait également contribuer aux infestations tardives observées dans l’est du Canada. Il se peut donc que la dernière génération à quitter les sites au nord et à l’est de l’Ontario repasse par notre province à l’automne, au cours de son voyage vers les destinations plus au sud.
Le ver de l’épi du maïs (Helicoverpa zea) s’attaque à plus d’une centaine d’hôtes, c’est pourquoi, ce ravageur est désigné par plusieurs noms, dont la noctuelle de la tomate et le ver de la capsule du cotonnier. L’insecte s’alimente sur tous les types de maïs, mais surtout sur le maïs sucré, de même que sur le sorgho, le coton, la tomate, le poivron et le piment, la plupart des espèces de haricots dont le haricot vert, le haricot mange-tout, les haricots secs ainsi que le soya, la luzerne et beaucoup d’autres plantes. Il préfère s’alimenter des fruits ou des organes reproducteurs des plants. Dans le cas du maïs, il s’alimente des soies de l’épi et des grains. Dans le haricot, il creuse des galeries dans les gousses et se nourrit de l’intérieur des graines.
La noctuelle adulte est de couleur ocre, chamois ou brun rouge; ses ailes antérieures présentent en plein centre un point brun et les ailes postérieures sont plus pâles et bordées de brun foncé (figure 2). Les noctuelles femelles pondent des oeufs distincts qui, dans le cas du maïs, sont déposés sur les soies individuelles, ce qui les rend difficilement visibles. La couleur des larves varie beaucoup, de vert pâle à jaune, rose, brun et même presque noir. Leur tête est orange pâle et les larves plus âgées présentent des rayures marquées le long du corps. Toutes les larves du ver de l’épi présentent des tubercules foncés (verrues) le long du corps et dont certains sont dotés de poils rugueux qui en sortent (figure 3). La variation de couleur facilite le diagnostic du ver de l’épi du maïs. Si l’on observe une larve verte sur un plant, puis une brune ou une rose sur le plant suivant et que toutes ont des verrues d’où sortent des poils, alors c’est qu’il s’agit probablement du ver de l’épi du maïs.
Les seuils d’intervention et les mesures de lutte diffèrent selon la culture à protéger. En Ontario, le maïs sucré semble être l’hôte de prédilection de cet insecte, mais cela est peut-être en train de changer. Si les noctuelles continuent d’arriver plus tôt en saison, d’autres cultures pourraient être attrayantes à ce moment. Les femelles préfèrent pondre les oeufs dans les champs de maïs au stade de formation de la panicule alors qu’il y a des soies fraîches pour recevoir les oeufs. Leur arrivée hâtive cette année a fait en sorte que la tomate a été la première culture attaquée en juin. Puisque les semis de maïs-grain ont été si retardés, les noctuelles ont été attirées autant par le maïs sucré que le maïs-grain, car la période de formation de la panicule a eu lieu en même temps pour les deux types de maïs. L’an dernier, nous avons trouvé des larves à la fin août, et au début septembre dans le maïs-grain, ce qui veut dire que les femelles pondaient probablement encore des oeufs dans ces champs après le brunissement des soies. Il se peut qu’on les voie encore cette année dans les cultures de haricots secs.
Voici quelques raisons importantes de se préoccuper du ver de l’épi du maïs :
1) Le dépistage de ce ravageur est difficile à moins d’avoir recours à des pièges pour surveiller sa présence. Les oeufs sont impossibles à voir et peuvent donc passer inaperçus jusqu’à ce que les larves commencent à s’alimenter.
2) Il peut être compliqué de déterminer le bon moment pour effectuer les traitements, surtout dans le cas des cultures où une seule application se révèle économiquement rentable. Les cultures de grande valeur comme le maïs sucré font l’objet de programmes hebdomadaires de pulvérisation afin d’éliminer le ver de l’épi du maïs. Le moment des traitements est très important parce qu’il est difficile de maîtriser l’insecte une fois qu’il a pénétré dans le fruit du plant.
3) La résistance est l’aspect le plus important et le plus préoccupant. Ce ravageur arrive ici en provenant du sud des États-Unis où plusieurs générations s’y succèdent chaque année. Le ver de l’épi du maïs est reconnu pour être résistant aux insecticides foliaires de la famille des pyréthrinoïdes, et puisqu’il s’alimente sur le coton et sur le maïs, il a acquis une résistance à presque tous les caractères Bt qui pourraient le maîtriser. On a observé sur le terrain une résistance acquise au gène Cry1Ab (événement Bt11) et à Cry1A.105+Cry2Ab2 (événement MON89034) aux États-Unis. De plus, il y a des indications de résistance potentielle au gène Vip3A qui est actuellement largement utilisé dans le coton et le maïs dans le sud des États-Unis. Ces populations résistantes sont celles qui migrent vers l’est du Canada. On a rapporté dans un certain nombre de champs de l’Ontario la présence de larves du ver de l’épi du maïs dans du maïs SmartStax (Cry1A.105+Cry2Ab2). La protéine insecticide Vip3A est donc actuellement le seul caractère qui procure une protection contre le ver de l’épi en Ontario, et on ne sait pas combien de temps la protéine restera efficace. Comme les populations résistantes deviennent de plus en plus courantes et que ce moyen de la lutte perd de son efficacité, les populations du ver de l’épi pourraient devenir plus importantes chez bon nombre de cultures hôtes.
Certaines mesures importantes doivent donc être mises en place en Ontario pour tenir ce ravageur à distance. On doit ainsi semer les cultures hôtes le plus tôt possible afin qu’elles soient moins attrayantes pour les noctuelles à leur arrivée au pays. Utiliser des pièges à phéromones pour dépister les populations, de manière à connaître le moment où les noctuelles arrivent et deviennent actives dans la région. Rechercher les signes d’alimentation précoce et de présence des jeunes larves lorsque les moyens de lutte peuvent être encore efficaces. Utiliser en alternance différents produits de lutte chimiques. Les pyréthrinoïdes ne peuvent plus être utilisés, mais on peut avoir recours à des produits appartenant à différentes familles chimiques et les utiliser en alternance d’une application à l’autre en vue de réduire les risques de résistance. Si on sème du maïs Vip3A et que l’on trouve le ver de l’épi du maïs dans les épis, informer l’agronome du fournisseur de semences et moi-même afin que l’on puisse confirmer la présence de résistance et établir les mesures à prendre pour en atténuer les répercussions.
Références : Diffenbaugh, N.S., C H. Krupke, M.A. White et C.E. Alexander, Global Warming Presents New Challenges for Maize Pest Management. Environmental Research Letters 3 (4): 1-9, 2018. DOI :10.1088/1748-9326/3/4/044007
Dively G.P., P.D. Venugopal et C. Finkenbinder, 2017. Field-Evolved Resistance in Corn Earworm to Cry Proteins Expressed by Transgenic Sweet Corn. PLoS One. 2017;12(8) : e0183637, 2017. DOI : 10.1371/journal.pone.0183637
Westbrook, J., Noctuid Migration in Texas within the Nocturnal Aeroecological Boundary Layer. Integrative and Comparative Biology, 48(1), 99-106, 2008.
It is August when this article is being written so we do not know what potential impact corn earworm (CEW) could have on our grain corn crop until harvest. Corn earworm was found in several fields in Ontario and Eastern Canada in late summer of 2018 and in 2019. They arrived in Ontario in June which is much earlier than usual and could be a sign of things to come. Corn earworm historically overwinters in the southern US and migrates as moths to Ontario via storm fronts. We usually don’t see moths here until late July or early August. They can on occasion overwinter as far north as the 40th parallel, depending on how mild the winter is. Field research has not been done recently to confirm just how far north CEW are overwintering and emerging. Models indicate that as climate change results in frequent milder winters further north, their overwintering area could expand to the Great Lakes region (Figure 1). What could also contribute to later season infestations in Eastern Canada is that corn earworm also migrate in the fall back to their southern overwintering areas. The last generation to leave locations north and east of here could land back into Ontario in the fall, on route to their more southern destinations.
Corn earworm (Helicoverpa zea) has over 100 plant hosts and therefore has many common names, including tomato fruitworm and American cotton bollworm. It feeds on all corn types but especially sweet corn, as well as sorghum, cotton, tomatoes, peppers, most bean types including green, snap, dry beans and soybeans, alfalfa and many others. They prefer to feed on the fruit or reproductive part of the plant. In corn, they feed on the silks of the ear and kernels. In beans, they mine into the pods and feed on the seeds inside.
Adult moths are sandy, tan or reddish brown in colour with a central brown dot on the forewing and lighter coloured hind wings with dark brown borders (Figure 2). Female moths lay single eggs, in the case of corn, on individual sink hairs, making them very difficult to see. The larvae vary greatly in colour from light green, yellow, pink, brown to almost black. All have a light orange head and older larvae have prominent stripes along their body. All CEW larvae have dark tubercles (warts) running the length of the body with coarse hairs sticking out of some of the “warts” (Figure 3). It is easier to tell if you have corn earworm because of the variation in colour. If there is a green larva in one plant but a brown one or pink one in the next plant, all of which have warts and hairs sticking out of them, then it is likely CEW.
Thresholds and management vary depending on the crop. In Ontario, sweet corn tends to be its first choice, but that might be changing. If moths continue to arrive earlier, other crops can be more attractive early on. Moths prefer to lay eggs in corn fields during tasseling where there are fresh silks to place their eggs on. Their earlier arrival this year made tomatoes the first crop to go to in June. With field corn planting so delayed, moths were equally attracted to sweet and field corn that were tasseling at the same time. Last year, we found larvae in late August, early September in grain corn which means they were likely still laying eggs after silks were brown in these fields. We may also see them in the dry bean crop this year.
So why be concerned about corn earworm? There are a few important reasons:
1) It is difficult to scout for unless you use traps to monitor for their presence. The eggs are impossible to see so they can go unnoticed until the larvae are feeding.
2) Spray timing could be difficult, especially in crops where only one application is economical. High value crops like sweet corn have weekly spray programs to keep CEW out. Timing is so important because they are difficult to control once they are inside the fruit of the plant.
Most important and concerning is 3) Resistance. This pest arrives here from the southern US where there are multiple generations each year. They are known to be resistant to foliar pyrethroid insecticides and because they feed on both cotton and corn, they have developed resistance to almost all of the Bt traits that could control them. There is field evolved resistance to Cry1Ab (event Bt11) and Cry1A.105+Cry2Ab2 (event MON89034) in the US. And there are indications of potential resistance developing to Vip3A which is now heavily used in both cotton and corn in the southern US. These resistant populations are what migrate to Eastern Canada. There have been a number of field calls in Ontario with corn earworm larvae found in SmartStax corn (Cry1A.105+Cry2Ab2). So currently Vip3A is the only trait to provide protection in Ontario, though we don’t know how long control by that trait will last. As resistant population become more common and control is less effective, corn earworm populations could be more prevalent in many of its host crops.
There are a few key things we need to start doing in Ontario to keep this pest at bay. Plant host crops as early as possible to be less attractive to the moths when they do arrive. Use pheromone traps to monitor populations so we know when moths arrive and are active in the area. Scout for signs of early feeding and young larvae when control may still be viable. And rotate chemistries used against them. Pyrethroids are no longer an option but using products from other chemical families and rotating between chemical families for each application reduces resistance. If you plant Vip3A corn and find CEW in the ears, notify your seed agronomist and myself so that we can confirm if resistance has occurred and what measures to take next to mitigate the issue.
References: Diffenbaugh, N.S., C H. Krupke, M.A. White, and C.E. Alexander. 2008. Global Warming Presents New Challenges for Maize Pest Management. Environmental Research Letters 3 (4): 1-9. doi:10.1088/1748-9326/3/4/044007
Dively G.P., P.D. Venugopal and C. Finkenbinder C. 2017. Field-Evolved Resistance in Corn Earworm to Cry Proteins Expressed by Transgenic Sweet Corn. PLoS One. 2017;12(8):e0183637. doi: 10.1371/journal.pone.0183637
Westbrook, J. 2008. Noctuid Migration in Texas within the Nocturnal Aeroecological Boundary Layer. Integrative and Comparative Biology, 48(1), 99-106.