Le mystère de la contribution du fumier à la santé du sol enfin éclairci
Christine Brown, spécialiste de la durabilité des grandes cultures, MAAARO
« Une manière radicalement nouvelle d’appréhender le sol explique partiellement pourquoi l’apport de fumier améliore sa résilience, atténue les effets du climat et augmente les rendements ». – Andy Neal (Ph. D.), Rothamsted Research.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les forêts peuvent s’établir et croître sans recevoir d’engrais? Ou pourquoi les prairies, les pâturages et la végétation en bordure des chemins, y compris les mauvaises herbes, semblent se développer sans ajout d’azote, de phosphore ou de potassium?
Des chercheurs qui étudient les aspects plus détaillés de diverses caractéristiques des sols se sont réunis pour en dresser un portrait d’ensemble, ce qui a permis de dégager certains points de vue novateurs concernant l’effet du fumier et de la production culturale sur la matière organique du sol, et d’entrevoir ce qui pourrait constituer une « théorie du sol » à caractère universel.
En explorant les aspects physiques et microbiologiques du sol et la génétique des microorganismes qui s’y trouvent, les chercheurs ont examiné, à l’aide de techniques d’imagerie par rayons X, des pores du sol dont le diamètre ne dépasse pas celui d’un cheveu humain. Ils ont ainsi remarqué que les sols riches en carbone présentaient une structure contenant plus de pores davantage interconnectés, ce qui peut faciliter la circulation de l’eau, de l’air et des éléments nutritifs. Certaines de leurs recherches portaient sur les sols soutenant des cultures en rangs comparativement aux sols de prairies herbacées, après une période de jachère prolongée dans les deux cas.
Selon le cycle carbone-azote, les microorganismes du sol utilisent l’azote pour décomposer le carbone. Dans les « sols sains », dont la structure est plus poreuse, des teneurs relativement faibles en azote ont empêché les microorganismes d’utiliser le carbone avec la même intensité. Le carbone a donc été libéré sous forme d’une colle polymère qui, avec le temps, a contribué à former des pores davantage interconnectés ainsi qu’à favoriser une structure plus poreuse.
Les cultures en rangs ont été de plus en plus amendées au cours des décennies avec des engrais commerciaux. L’abondance d’azote permettant de décomposer le carbone du sol, au cours de ces nombreuses décennies, a entraîné une réduction de la formation de la colle polymère. Cette baisse a contribué à diminuer la quantité de carbone dans le sol ainsi qu’à favoriser la transformation de certaines propriétés du sol, notamment en réduisant le nombre de pores interconnectés, et par ricochet, à affecter la circulation de l’air et de l’eau dans le sol. Ces phénomènes modifient les propriétés chimiques et physiques des cultures en rangs comparativement à celles d’une prairie qui sert de pâturage à des animaux d’élevage.
À mesure que les sols deviennent en quelque sorte plus « étanches » en raison de la diminution de l’espace occupé par les pores, les microorganismes dépensent plus d’énergie à trouver des sources d’énergie. Dans les sols pauvres en oxygène, les microorganismes se tournent vers l’azote et le soufre, qui sont des fournisseurs d’énergie, ce qui en retour accroît l’émission de gaz à effet de serre. Avec le temps, les terres cultivées qui sont uniquement engraissées avec des engrais commerciaux présentent différents processus microbiens qui permettent d’aller chercher l’énergie requise et d’assurer la respiration des microorganismes, comparativement aux sols amendés avec des fumiers riches en carbone.
Que peut-on faire pour améliorer les sols dans le contexte des systèmes de cultures actuels?
De nombreuses études ont montré que le carbone favorisait une interaction dynamique entre la structure du sol et l’activité microbienne. Le carbone provenant d’amendements organiques, les rotations variées et les cultures de couverture favorisent la présence de racines vivantes et de leurs exsudats qui assurent la survie des populations microbiennes dans le sol et la formation continue de pores. Les producteurs de cultures ont toujours envié les fermes d’élevage de bovins où l’on pratique des rotations diversifiées de cultures fourragères et où du fumier est épandu régulièrement, car les sols de ces exploitations sont habituellement plus sains et résilients. Ce ne sont pas toutes les terres cultivées évidemment qui peuvent être converties pour y établir en permanence des cultures fourragères et des pâturages. De plus, l’amélioration de l’activité microbienne pour favoriser la porosité du sol et obtenir une meilleure structure prend du temps, probablement des décennies en fait. Mais il y aura amélioration lorsque du carbone est apporté chaque fois que c’est possible.
Quelles sont certaines des possibilités d’amélioration pour les systèmes culturaux existants?
Augmenter la diversité des rotations en semant des cultures de couverture et fourragères et, si possible, garder les sols recouverts de racines vivantes.
Retourner les résidus culturaux au sol le plus souvent possible.
Réduire le travail du sol, surtout sous des conditions d’humidité lorsque les risques de compactage du sol sont plus élevés.
Épandre plus souvent du fumier ou des amendements organiques d’origine municipale :
Les matériaux solides présentant un ratio C:N plus élevé sont plus efficaces. Quand la teneur en matière sèche d’un fumier liquide ou de digestats anaérobies est inférieure à 3 %, la portion ammonium est élevée et la teneur en carbone est faible. Le ratio C:N des sols se situe entre 8:1 et 10:1. Idéalement, tout apport d’amendement organique au sol pour augmenter le carbone du sol aura un ratio C:N plus élevé que celui du sol.
Réduire la teneur en eau dans les systèmes de fumier liquide afin d’en augmenter la concentration en solides et en carbone.
Les recherches vont se poursuivre en vue d’éclaircir le mystère de l’effet du carbone sur le comportement du sol par l’étude des interactions entre les processus physiques, chimiques et biologiques. L’attention accordée actuellement à la santé des sols dans les fermes ontariennes, laquelle se manifeste par le recours aux cultures de couverture, aux cultures hivernantes et aux amendements organiques, contribue à améliorer la résilience des sols. Les exsudats racinaires qui stimulent l’activité microbienne dans le sol vont graduellement améliorer la porosité, le recyclage des éléments nutritifs et la réduction des gaz à effet de serre.
Sources
Résumé de recherche de Rothamsted : Where There’s Muck There’s Brass https://www.rothamsted.ac.uk/news/wherethere’s-muck-there’s-brass#PUBLICATION- basé sur le rapport de recherche intitulé Soil as an Extended Composite Phonotype of the Microbial Metagenome, http://dx.doi.org/10.1038/s41598-020-67631-0 Andy Neal (Ph. D.) – Sustainable Agriculture Science, Rothamsted Research.
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Christine Brown, Sustainability Specialist – Field Crops, OMAFRA
“A radical new way of thinking about soil has partially solved the mystery of why adding manure improves resilience, climate control, and crop yields.” – Dr. Andy Neal, Rothamsted Research.
Have you ever wondered why forests can establish and thrive without being fertilized? Or, why grasslands, pastures, or roadside vegetation – including weeds – seem to flourish without the addition of nitrogen, phosphorous, or potassium?
Researchers that study the small picture of various aspects of soil got together to look at the big picture which resulted in some innovative insights about the role of manure and crop production on soil organic matter, and the beginning of what they envision will be a universal “Theory of Soil.”
Exploring the physics, microbiology, and considering the genes of soil microbes, researchers looked at soil pores, no wider than a human hair, using x-ray imaging and round a more porous and interconnected structure in carbon-rich soils, which resulted in better opportunities for the circulation of water, air, and nutrients. Some of their research explored row crop soils compared to grassland soils after an extended fallow period for both soil groups.
The carbon-to-nitrogen cycle assumes that soil microbes will utilize nitrogen to break down carbon. In the “healthy soils” – soils with more porous structure – relatively low nitrogen levels resulted in the microbes being unable to utilize the carbon to the same degree. This resulted in the carbon being excreted as a polymer “glue” that, over time, helped create the more interconnected pores and porous soil structure.
Over the decades, row crops have increasingly been fertilized with commercial fertilizers. Lots of nitrogen to break down soil carbon has, over the decades, resulted in less polymer glue being excreted. This, in turn, has resulted in lower soil carbon and the transformation of soil properties, including reduced connected pores, that, in turn, impact air and water flow. This alters the chemical and physical properties of a row crop soil compared to the original grassland pasture with grazing livestock.
As soils become “tighter” with less pore space, the microbes use more energy looking for energy sources. In soils low in oxygen, the microbes turn to nitrogen and sulphur compounds for energy, which in turn increases greenhouse gas emissions. Over time, cropland fertilized with only commercial fertilizers have different microbial processes for retrieving energy and for respiration compared to soils that receive carbon-rich manures.
What can be done to improve soils in current cropping systems?
Many research studies have shown an active interaction between soil structure and microbial activity which is stimulated by carbon. Carbon from organic amendments, diverse rotations, and cover crops are the living roots for the root exudates that support soil microbial populations to create the continuous pores. Crop producers have always been envious of cattle farms with diverse forage-based rotations and regular additions of manure for generally having more resilient, healthy soils. Obviously, all crop land cannot be converted to permanent forages and pastures and improving microbial activity to improve soil porosity and structure will take time – probably decades. But improvements will occur when carbon is added at every opportunity.
What are some of those opportunities in current cropping systems?
Increasing diversity in rotations with cover crops and/or forages and where possible keeping soil covered with living roots.
Returning crop residue to the soil at every opportunity.
Reducing the amount of tillage, especially in wet conditions when risk of soil compaction is increased.
Adding manure or municipal organic amendments more often:
Solid materials with a higher C:N ratio are more effective. When dry matter content of liquid manure or anaerobic digestates are less than 3%, the ammonium portion is high and the carbon content is low. The C:N ratio of soils are in the range of 8:1 to 10:1. Ideally, any organic amendment added to increase soil carbon will have a C:N ratio higher than that of soil.
Reducing the water content of liquid manure systems to increase solids and carbon content.
Research will continue to unravel the mystery of carbon impact on soil functions by studying the interactions between physical, chemical, and biological processes. The current focus on soil health on Ontario farms of adding cover crops, overwintering crops, and organic amendments is improving soil resilience. Root exudates that enhance microbial performance in the soil will gradually lead to improved porosity, nutrient cycling, and a reduction in greenhouse gas emissions.