Assiste-t-on à une augmentation du potentiel de rendement de la luzerne?
Le rapport entre les programmes d’amélioration de la luzerne et le potentiel de rendement est complexe. Bien que la plupart des ouvrages sur les cultures céréalières annuelles fassent état d’améliorations du rendement lorsque de nouvelles variétés sont mises sur le marché, une recherche documentaire sur le rendement de la luzerne montre que des signes d’amélioration, de stagnation et de diminution sont observés selon le document consulté. L’une des dernières tentatives pour comprendre ce qui se passe vraiment a été faite par Lei Ren et ses collègues de l’Université de la Saskatchewan.
Ren et ses collègues ont résumé les données qui avaient été recueillies entre 1997 et 2011 dans le cadre du Western Forage Variety Testing System (WFTest) pour savoir comment l’amélioration a modifié le potentiel de rendement des variétés de luzerne au fil du temps. Ils ont reconnu que les conditions environnementales et la gestion des cultures sont des facteurs qui agissent sur le rendement de la luzerne, lesquels ne sont pas toujours pris en compte dans les revues sur le sujet. Étant donné que les précipitations annuelles sont beaucoup moins importantes dans les Prairies qu’en Ontario, les données tirées des sites irrigués dans le cadre du WFTest présentent un intérêt particulier dans l’est du Canada.
Lorsqu’ils ont examiné les données provenant des sites irrigués où l’on cultivait des variétés mises sur le marché entre 1997 et 2011, les chercheurs n’ont décelé aucune tendance importante entre le rendement des cultures fourragères et l’année au cours de laquelle une variété a été lancée sur le marché. Il n’y a pas eu non plus d’amélioration importante dans la repousse pour la deuxième coupe. Toutefois, lorsque les chercheurs ont limité leur analyse aux variétés mises sur le marché entre 2000 et 2011, les rendements de la deuxième coupe et les rendements totaux (de la première et de la deuxième coupes) se sont accrus d’environ 1 % par année dans les deux sites irrigués. Cette repousse plus vigoureuse pourrait être attribuable au fait que de nouvelles variétés présentaient une dormance automnale moindre.
En outre, la température accumulée supérieure à 5 ˚C entre avril et juin a eu des répercussions importantes sur le rendement de la luzerne dans les sites irrigués. Cette observation est logique puisque les modèles de degré-jour de croissance (base de 5 ˚C) peuvent estimer la croissance de la luzerne de façon assez exacte. Les températures supérieures à 5 ˚C accéléreraient la croissance de la luzerne au printemps et permettraient d’obtenir une meilleure première récolte. La quantité de précipitations entre avril et juin dans les sites arrosés par la pluie a un effet important sur le rendement. Cette tendance n’a pas été observée dans les sites irrigués parce que l’eau ne se limitait pas à ces parcelles.
Le calendrier de coupe des sites irrigués était plus dynamique (trois coupes/an) que celui des sites d’expérimentation arrosés par la pluie (d’une à trois coupes/an). Les essais ont indiqué que le rendement des peuplements qui ont fait l’objet de récoltes plus fréquentes n’a pas été influencé par les précipitations pendant la saison de croissance. Les chercheurs ont attribué ce résultat à une réduction de la vigueur des plantes qui subissent un stress à la suite de coupes fréquentes. Les plantes affaiblies et dont le système racinaire est réduit peuvent moins tirer avantage de l’humidité après une pluie. Une couverture de neige importante pendant l’hiver a permis d’obtenir un meilleur rendement de luzerne dans les sites irrigués. Même si l’on sait qu’une couverture de neige protège le collet de la luzerne contre le gel, ce lien est d’autant plus important quand les plantes subissent un stress en raison d’un calendrier de coupe dynamique.
Il faut garder à l’esprit que la fertilité du sol de toutes les parcelles d’essais de variétés est assurée afin de favoriser une production de luzerne. Dans cet ensemble de données, on ne verra donc aucune réaction à un apport nutritif limité ou déséquilibré. Un autre facteur de gestion qui pourrait influencer le rendement de la culture est la manière dont les différentes variétés de luzerne réagissent aux stress nutritionnels.
D’autres travaux sur ce sujet pourront fournir davantage de contexte pour expliquer les conclusions incohérentes entourant l’amélioration de la luzerne et le potentiel de rendement de la plante. Dans une étude sur le terrain réalisée de 1999 à 2003, Lamb et ses collègues ont évalué le rendement des variétés de luzerne mises sur le marché entre 1940 et 1995. Des parcelles ont été ensemencées au Wisconsin, en Ohio, au Minnesota et en Iowa. Alors qu’on n’observait que peu d’avantages sur le plan du rendement à utiliser de nouvelles variétés dans les sites se trouvant au Minnesota et en Iowa, le rendement observé entre les variétés anciennes et nouvelles en Ohio et au Wisconsin a été très différent. La persistance des peuplements a aussi été nettement meilleure pour les nouvelles variétés dans ces États. Ce résultat a été attribué au fait que les nouvelles variétés étaient plus résistantes aux maladies, et les conditions environnementales en Ohio et au Wisconsin favorisaient les maladies.
Vu que les facteurs environnements revêtent une grande importance sur le potentiel de rendement de la luzerne, il n’est pas possible d’affirmer que l’amélioration de cette plante fourragère a contribué à une hausse des rendements. De plus, les sélectionneurs de luzerne ont choisi des plants selon différentes caractéristiques, comme la rusticité, le rendement, la persistance et la qualité, et ce, de manière simultanée, même si ces caractéristiques entraient parfois en conflit. Pour le moment, c’est uniquement quand les conditions de croissance permettent à des caractéristiques améliorées de ressortir que des avancées génétiques apparaissent dans les données sur le rendement. Toutefois, dans des environnements plus humides, comme c’est le cas en Ontario, de nouvelles variétés ont une meilleure repousse et une plus grande résistance aux maladies, deux conditions qui favorisent les rendements accrus et une plus grande persistance. Les producteurs ontariens peuvent donc tirer des avantages de la culture de nouvelles variétés sur leurs exploitations. Ceux qui achètent des semences certifiées s’assurent que les caractéristiques souhaitables sont présentes dans la luzerne qu’ils sèmeront à la ferme.
Références
Lamb, J.F.S., Sheaffer, C.C., Rhodes, L.H., Sulc, R.M., Undersander, D.J. et Brummer, E.C. 2006. « Five decades of alfalfa cultivar improvement: impact on forage yield, persistence, and nutritive value ». Crop Science. 46(2): 902-909.
Ren, L., Bennett, J.A., Coulman, B., Liu J. et Biligetu, B. 2021. « Forage yield trend of alfalfa cultivars in the Canadian prairies and its relation to environmental factors and harvest management ». Grass and Forage Science. 76: 390-399.
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The relationship between alfalfa breeding efforts and yield potential is complicated. While most literature on annual grain crops shows yield improvements with the release of new varieties over time, a literature search on alfalfa yield will show improvement, stagnation, and declines, depending on the paper. One of the latest attempts to discern what is really going on comes from Lei Ren and colleagues out of the University of Saskatchewan.
Ren and colleagues summarized data from the Western Forage Variety Testing System from 1997 to 2011 to see how breeding has changed the yield potential of alfalfa varieties over time. They recognized that environmental conditions and harvest management are factors that can affect alfalfa yield that are not always included in reviews on this topic. Since the prairies receive significantly less annual precipitation than Ontario, the data from the irrigated sites in the Western Forage Variety Testing System are of particular interest in eastern Canada.
The researchers found no significant trends between forage yield and the year a variety was released when they examined the data from irrigated sites for varieties released between 1997 and 2011. There was also no significant improvement in regrowth for second cut. However, when they restricted their analysis to varieties released between 2000 and 2011, second cut yields and total yields (first plus second cut) improved about 1% per year across the two irrigated sites. This stronger regrowth could be the result of reduced fall dormancy in newer varieties.
In addition, the cumulative temperature above 5˚C from April to June had a significant impact on alfalfa yield at the irrigated sites. This makes sense, since growing degree day models (Base 5˚C) can predict alfalfa development with reasonable accuracy. Warmer temperatures above 5˚C would speed up alfalfa development in the spring and allow for more first cut growth. The amount of precipitation between April and June at rain-fed sites had a significant impact on yield. This trend was not apparent at the irrigated sites because water was not limiting in those plots.
The irrigated sites had a more aggressive cutting schedule (three cuts/year) than many of the rain-fed trial locations (one to three cuts/year). Trial data showed that yields from stands that were harvested more frequently were not as affected by precipitation during the growing season. The researchers attributed this to reduced vigour because of stress from frequent cutting. A weakened plant with a reduced root system is less able to take advantage of moisture following a rain. Increased snow cover during the winter increased alfalfa yield on the irrigated sites. While it is known that snow cover helps protect alfalfa crowns from cold injury, this relationship may be more significant when the plants are stressed from aggressive cutting schedules.
It is worth keeping in mind that the variety trial sites all have good soil fertility to support alfalfa production. Any responses to limited or unbalanced nutrition will not be apparent from this data set. How different varieties cope with nutritional stresses is another management factor that could influence alfalfa yield.
Other work on this topic can provide more context for the inconsistent conclusions around alfalfa breeding and yield potential. In a field study from 1999 to 2003, Lamb and colleagues assessed the yield of alfalfa varieties released between 1940 to 1995. Plots were established in Wisconsin, Ohio, Minnesota, and Iowa. While the sites in Minnesota and Iowa showed little yield advantage to using newer varieties, there was a significant yield difference between older and newer varieties in Ohio and Wisconsin. Stand persistence was also significantly better for newer varieties in these states. This was attributed to the improved disease resistance in newer varieties and the environmental conditions in Ohio and Wisconsin that increased disease pressure.
With environmental factors playing such a strong role in the yield potential of alfalfa, there is not a universal answer to whether breeding has improved alfalfa yields. In addition, alfalfa breeders have selected for multiple traits – such as winterhardiness, yield, persistence, and quality – simultaneously, even though these traits sometimes work against one another. Right now, it is only when growing conditions allow improved traits to shine that genetic advancements appear in the yield data. However, in wetter environments like Ontario’s, newer varieties show improved regrowth and disease resistance. Both traits contribute to higher yields and persistence. Therefore, Ontario producers can benefit from growing newer varieties on their operations. Purchasing certified seed ensures that desirable traits are present in the alfalfa to be seeded on the farm.
References
J.F.S. Lamb, C.C. Sheaffer, L.H. Rhodes, R.M. Sulc, D.J. Undersander, and E.C. Brummer. 2006. Five decades of alfalfa cultivar improvement: impact on forage yield, persistence, and nutritive value. Crop Science. 46(2):902-909.
L. Ren, J.A. Bennett, B. Coulman, J. Liu, and B. Biligetu. 2021. Forage yield trend of alfalfa cultivars in the Canadian prairies and its relation to environmental factors and harvest management. Grass and Forage Science. 76:390-399.